Un, deux, trois croquemitaines près de la fontaine [PV]

Un…
Une blondinette observait le Soleil se coucher depuis sa fenêtre. Beaucoup devait déjà dormir à 11h du soir, même en plein été. Mais, pas elle. Pourtant, brossant sa chevelure sur le rebord de la fenêtre comme le ferait toutes les jeunes filles de son âge, la demoiselle aurait pu maintenir l’illusion d’être une enfant bien sage qui avait enfilé depuis peu un long T-shirt bleu marine. A elle, peut-être ou peut-être pas. Un peu masculin pour une si frêle carrure, et qui ne s’accordait particulièrement pas bien à son humeur du moment. Sombre et calme. Une Kunimoto calme cela se saurait, sombre, pas vraiment. Un peu déçue, agacée, embêtée, hébétée, et pas mal d’autres adjectifs étranges qui montrait que l’on analysait difficilement ses sentiments, mais, pas sombre non…

Yuka jeta un rapide coup d’œil à son bracelet étoilé, passe VIP bien pratique normalement puisque offrant une grande flexibilité sur ses horaires en tant que SA. Il ne pouvait pas y avoir que des désavantages après tout. Néanmoins, plus on en a, plus on en veut. A moins que ce ne soit juste l’adrénaline de traîner jusqu’à la fameuse heure H interdite qui la motivait.

Deux…
11h30, Yuka rejeta ses jambes, direction le sol. Elle récupéra son keitai et se retrouva rapidement dans la fraîcheur encore douce de la nuit. Ses pieds nus s’écorchaient au fur et à mesure de ses pas sur le sentier. Elle n’en avait que faire et continuait vers le bâtiment des primaires en apparence détendue et nullement pressée. Après tout Shinji n’avait pas donné d’heure exacte, elle ne serait donc pour cette fois-ci pas en retard.

Trois…
La blondinette ne mit pas longtemps à prendre place sur la pierre froide de la fontaine aux vœux. Sans tenir compte de sa température, elle y plongea les pieds avec un sourire de ravissement. La brise lui caressait le visage, elle était bien là, dos au chemin, réfléchissant toujours à la soirée étrange de la veille. N’avait-il pas honte de partir ainsi ? Saleté de baka d’Atsu.

Soleil !
Etre de dos ne l’empêchait néanmoins pas d’entendre les arrivées et, tout doucement, la miss électrique se pencha vers l’eau et sa main y décrivit un parfait arc de cercle vers l’extérieur en direction de l’ombre qu’elle présumait être son meilleur ami. Un léger rire s’échappa de sa gorge alors qu’elle embrayait comme si de rien n’était sur la conversation, ou presque :

« Monsieur Gerard, ne devriez-vous pas dormir à cette heure si avancée de la nuit ? Le croquemitaine pourrait vous attraper si vous traînez trop… »

Ses pieds continuaient de parcourir l’eau claire ou les premières étoiles du ciel commençaient à venir se refléter paresseusement. Sa peau s’accordait avec les pales reflets de Lune, mais, c’était ses yeux ternes il y a un instant qui riaient maintenant. Simulation ou non, Yuka était là pour écouter et s’amuser avec son meilleur ami, et penser à autre chose alors elle ne comptait pas se montrer toute étrange et qu’on lui pose des questions.

22H00. Silence total dans l'assistance. Je suis resté longtemps dans ma chambre, gardant non loin de moi mon keitai. J'avais besoin de réfléchir à toutes les choses qui s'était passé. Parfois, la solitude ouvre l'esprit et permet de comprendre ses erreurs. J'avoue les avoir comprise depuis un moment mais je ne pouvais assumer les conséquences de mes actes. À force de trop boire, on fait des choses vraiment étranges, qu'on n'a pas l'habitude de faire dans la vie courante. Le pire, c'est de s'en souvenir et de les regretter amèrement, se disant qu'on ne pourra jamais revenir en arrière pour se rattraper des mauvais actes.

Je suis resté donc allongé sur mon lit, les écouteurs sur les oreilles, les yeux rivés au plafond, laissant chaque pensée se matérialisé dans l'espace infini de mon imagination. Je faisais des rêves éveillés, parcourant ainsi le monde illimité de mon subconscient. Ainsi, je vis le cosmos se dessiné sur le toit de ma chambre, je visitai chaque planète en supposant trouvé une source de vie dessus. C'est de cette manière que j'oublie tout sur le monde qui m'entoure, je m'évade dans un autre univers pour empêcher toute mauvaise émotion de rentrer en moi.

C'est en me prenant une météorite en pleine face que je me réveillé, retrouvant ainsi les pieds sur terre. Je me décidai donc de prendre un peu d'affaire et je pris la direction de notre rendez-vous. C'est en regardant l'horloge du mur des dortoirs que je compris que je venais d'enfreindre le couvre-feu. Petit soucis technique, je n'avais pas donné d'heure pour nous retrouver. Si ça tombe, elle serait déjà en train de dormir, croyant que je l'ai laissé en plan toute seule. C'est alors que je pris une grande inspiration et je parcourrai le chemin en sprintant, tout en faisant un minimum de bruit.

N'étant jamais allé à la fontaine aux voeux, je pris un temps fou à la trouver. C'est donc après une course d'une bonne vingtaine de minutes que je me retrouvai devant cette magnifique fontaine aux pierres blanches où une amie s'amusait à y tremper ses pieds. Je m'approchai, sachant qu'elle m'avait entendu arriver. Qui ne l'aurait pas entendu d'ailleurs? Les cinq dernières minutes devenant un peu fatigante, il fallait ralentir le rythme, et je ne fis plus attention à ma discrétion. C'est donc sans grande surprise que je fus accueilli par une mélodie harmonieuse, celle de la voix de Yuka.

Je ne répondis pas à sa question et je continuai mon avancée vers mon amie et je lui glissai un bisou sur la joue.

« Politesse avant de poser les questions. On dit bonsoir à ses amis non? »

Je regardai le ciel, il était encore plus beau que celui que je dessinais dans mon imagination lorsque j'étais cloitré dans ma chambre. Je retirai mes chaussures et glissai à mon tour mes pieds dans la fontaine.

« Je n'ai pas peur du croque-mitaine. A vrai dire, je crains plus la fraicheur de la nuit que la présence de ce fantôme. »

J'hésitai un instant, puis me lançai sur Yuka, l'enlaçant d'une étreinte musclée mais affecteuse.

« Tu m'as manqué. »