Quelle folle ... non, sérieusement, comment j'ai pu faire pour me trouver là ? Je devais sacrément m'ennuyer.
Je te l'avais dit ... mais fais ... " style ", genre, tu ne t'ennuies pas, tu te sens bien ici.
Facile à dire. Mais je vais tenter.

Je m'installai à la table que l'on m'avait assignée. Un homme particulier, vêtu entièrement de blanc, son masque y comprit. Intérieurement, je priais pour qu'il ne soit pas aussi silencieux qu'une tombe. La barbe si je tombai là-dessus. Pourquoi pas me mettre face à un muet pendant qu'ils y étaient ! En fait, un muet parlait quand même, d'une façon différente, certes, mais il parlait quand même ! Je le fixai, le visage caché presque entièrement par le masque doré et songeai à entamer la conversation. Un jeu ? Euh ... je n'en étais pas sûre ... mais j'avançai et m'asseyais. J'avais envie de fuir ... mais je n'y arrivai pas, trop accrochée à la soirée pour partir. J'aurais tant aimé tomber sur Lyn ... Mais cela n'aurait pas été marrant. Bref. Comment entamer un dialogue ? Je réfléchis quelque peu, sautai sur la boîte de chocolat, l'avalai soigneusement, pas comme une sauvage et me raclai la gorge de manière féminine - dans la mesure du possible. Je commençai d'une voix douce et d'une manière souriante.

" Bonsoir. Quel bon vent vous amène ? "

Mais qu'est-ce que je m'ennuyais ! Un léger souffle s'échappa de mes lèvres, montrant une envie de partir d'ici. Bon sang, qu'est-ce que j'avais fait pour mériter ça ?! Vite, un pistolet, que je me déglingue la cervelle ! Vite, une bombe que je l'avale ! Flûte ! Je fixai alentour, cherchant Lyn du regard. Sauves moi ! Sauves moi ! Trop tard ...

Les portes étaient déjà fermées ... et elles ne rouvriraient que lorsque ce cauchemar serait enfin terminé.

Bon, prends ton courage à deux mains, vis la vie à fond - ou plutôt la soirée -, éclates toi, joues et tout ira bien ... Tu parles ! Je soufflai, inspirai, expirai ... effectuai la technique de relaxation et souriais. Je remis un chocolat dans ma bouche et l'engloutis. Que me réservai la suite de cette soirée ?

[HRP: Désolée de ce post archi-mini ...]

Il n’était pas le genre de personne qui aime recevoir des ordres, encore moins les exécuter. J’en étais sûre, son aura le disait, à vrai dire, toute son attitude, outre l’ennui qu’elle laissait transparaitre, le démontrait. J’étais donc persuadée qu’il ne recevait pas d’ordre, et pourtant ! Pourtant il m’incita à lui en donner un.

« On peut enlever ces trucs-là ? », dit-il en désignant le masque qui lui couvrait la totalité du visage et ne devait pas être très agréable pour parler.

Oui ou non. J’avais le choix, la question ne nécessitait pas de réponse plus complexe que l’un de ces deux mots. Mais – comment dire ? – je voulais sortir de l’ordinaire, moi ; je voulais, ce soir et ce soir seulement, avoir l’air d’une jeune fille tout sauf dénuée d’intérêt. J’optais donc pour la vérité. Logiquement, s’il voulait enlever les masques, il y avait un sens figuré… une demande de son subconscient… il ne devait pas beaucoup aimer les « masques » que sont les mensonges. Je lui dis donc ce que je pensais de lui et de sa question, sans aucun malice dans la voix, seulement ma froideur habituelle – que j’avais, bien à propos, retrouvée :

« Je ne suis pas sûre que tu sois le genre de personne à écouter les ordres… Alors que t’importe ma réponse ? »

Pour illustrer mon propos et lui signifier le « oui » que j’étais certainement attendue à répondre, j’enlevai le loup doré qui recouvrait mes yeux et leurs alentours. Je ne savais pas vraiment quoi faire, quoi dire. Je n’avais aucune idée de ce que j’étais sensée faire durant ce speed-dating, et si bien même je le savais, je n’étais pas sûre de vouloir entrer dans le moule de la normalité. Mais quels autres choix s’offraient à moi ? Aucun ne me venait à l’esprit. En temps normal, je me serais enfuie… mais les portes étaient dores et déjà fermées à double-tour – je ne devais pas être la seule que l’idée de s’enfuir avait traversée. Purée, mais qu’est-ce que je foutais, là ? Ici et là, d’ailleurs. Primo, pourquoi est-ce que j’avais décidé d’être « comme tout le monde » en franchissant ces portes – et pourquoi diable les avais-je franchies ! – ; secundo, pourquoi est-ce que je m’acharnais à vouloir faire bonne figure ? Je n’avais aucune réponse ce qui m’énerva encore plus, ma colère envers moi-même ravivant la brûlure du tatouage roux, comme marqué au fer rouge, entre mes omoplates. « Poignarde-moi ». Cette phrase m’était passée par la tête un jour, je m’étais précipitée entre les mains d’un tatoueur hirsute dont le cabinet était vétuste et les méthodes, peu hygiéniques. Qu’importait, seul ce genre de tatoueur accepterait d’écrire de manière indélébile cette phrase dans le dos de la si jeune fille que j’étais alors. Peut-être que c’est ce manque de soin de la part du tatoueur qui est la cause de mes douleurs fréquentes… Enfin, ce n’était ni le moment ni l’endroit pour penser – et encore moins pour parler ! – de ma vie.

Je soupirai, à court d’idée et de volonté. Et oui, je n’avais même plus envie de sortir de l’ordinaire… je me présentai donc en bonnes et dues formes, avant de poser une question des plus banales à l’inconnu face à moi :

« Je m’appelle Naomi Benedetti. Et toi c’est… ? »

Mouais. On n’aurait pas pu faire plus pitoyable.