Par un jour de pluie

Selvi s'était levée de bonne humeur ce matin-là. La nuit avait été agréablement meublée de rêves colorés et heureux. Pourtant, à l'extérieur, le temps était pluvieux. Il régnait dans l'air une sorte de mélancolie. Les élèves, eux aussi, sentaient le changement d'atmosphère. Ils étaient plus calme qu'à l'accoutumé.

L'adolescente s'était promenée dans les couloirs de l'école, mais le vacarme inhabituel qui y régnait la rendait mal à l'aise. Ne pouvant aller profiter du parc, les étudiants squattaient le bâtiment. Cherchant à fuir la masse humaine, Selvi choisit les couloirs vides et se trouva bientôt devant le jardin des Lycéens.

L'odeur qui circulait dans l'air était délicieux. La jeune fille adorait cette senteur, la pluie. Elle fit quelques pas sur le chemin de gravier mouillé et s'arrêta près d'un parterre de fleurs bleues. Elle s'accroupit et passa délicatement son doigt sur l'un des pétales bleus. Elle joua avec une goutte d'eau, la faisant cheminer le long des pétales, la passant d'une fleur à l'autre.

Trop concentrée, elle ne fit pas attention à la pluie qui s'abattait sur elle. L'eau ruisselait le long de ses cheveux, puis de son pull qui commençait à lui coller à la peau. Des gouttes de liquide glissaient le long de son front, de ses joues, puis de son menton et finissaient leur course par une chute vers le sol terreux.

Selvi aimait la pluie. Elle avait une signification particulière pour la jeune fille. L'eau, c'était la source de la vie, c'était une purification.

Une idée traversa soudain l'esprit de la jeune fille. Elle jeta un regard autour d'elle. Il n'y avait personne, tout était silencieux. Aucune fenêtre ne donnait sur le jardin, elle était donc à l'abri des regards. Selvi réfléchit encore un instant. Elle n'avait pas réutilisé son pouvoir depuis bien quelque temps. Ici, elle pourrait réessayer à manipuler la brume. Elle poussa un soupir et tendit la main, paume vers le ciel.

Après s'être concentrée un court instant, l'air sembla se brouiller et un léger brouillard commença à apparaître. L'adolescente avait essayé de contrôle la surface d'application de son pouvoir, c'est-à-dire l'endroit où la brume apparaissait et où elle se déplaçait, mais la tâche n'était pas simple. Bien trop souvent, le brouillard partait dans toutes les directions et elle devait arrêter son entrainement pour éviter les débordements. Ce jour-là n'échappa pas à la règle. Bien que peu épaisse, la brume envahit tout le jardin. Selvi soupira et relâcha sa concentration. Elle ne pouvait pas faire disparaître le brouillard, seul la nature le dissiperait donc. Peut-être qu'un jour elle y parviendrait, mais rien n'était moins sûr. Elle ne savait pas si son pouvoir pouvait agir dans les deux sens.

Après s'être relevée, elle continua à marcher dans le jardin. La visibilité était réduite, mais cela ne la gênait pas, car dans son brouillard, elle n'avait pas de problème d'orientation.

J'étais là, les cheveux dans le vent, dans la fraicheur matinale. Je portais le collier que m'avais offert Papa pour mes 12 ans. Je m'y étais beaucoup attaché au fil des années car c'est le seul cadeau qui me reste de lui et de ma mère. Je serrais les points en repensant à ma mère et à la manière dont elle nous avait chassées, Needy et moi de notre chère maison.

Je me ressaisis et m'assis par terre. J'eus un léger frisson au contact de l'herbe fraiche. Je m'étais levée tôt, en fait, je n'avais presque pas dormi. Une nuit épouvantable, pleine de cauchemars horribles et de sueurs froides. J'étais allée dans la cuisine vers 3 heures du matin, et m'étais ensuite installée dans la bibliothèque. Mais, je ne sais pas pourquoi, tous les élèves s'étaient rués dans la bibliothèque. Je ne pouvais donc plus m'adonner à mon loisir favori, dans mon lieu favori. Bien sur, j'aurais pu retourner dans ma chambre, mais fuir ma Needy me faisait du bien de temps en temps. J'étais alors allée dans le dernier endroit où je me sentais bien, les jardins de l'école. L'été, cet endroit est magnifique. Il y a des oiseaux qui chantent et la rosée fraiche du matin vous donne l'impression d'être sur un nuage de douceur. C'était peut-être un matin d'hiver, mais il y faisait bon et doux. Je m'étendai lentement sur l'herbe et fermai les yeux quelques instants. Je les rouvris et fus surprise de ne plus voir les arbres nus et le ciel nuageux. A la place, une épaisse brume s'étendait devant moi. Je me levais pour voir (si je puis dire) d'où venait ce brouillard.

Ne trouvant point de cause, je me mis à la recherche de l'école, priant pour ne pas rentrer dans un arbre (c'est toujours mieux...). Mais, dans la brume, au loin, j'entraperçus une silhouette. J'étais quelque peu soulagée de savoir que je n'étais pas seule dans ce foutu brouillard. Sans réfléchir, je lui lançais;

- Hé, excuse-moi, je m'appelle Lyn Legder. Et toi, qui es-tu ?

Selvi avait fait quelques pas avant d'entendre une voix sortir de nulle part. Elle tourna la tête dans la direction du son et aperçut une silhouette. C'était bien sa veine, rencontrer quelqu'un dehors par un temps pareil. Elle poussa un soupir inaudible et hésita. Devait-elle fuir pour pouvoir tranquillement profiter du jardin ou devait-elle répondre à la silhouette? Dilemme cornélien pour la jeune fille. Soudain, elle se demanda si l'étudiante n'était pas simplement perdue dans le brouillard. Après tout, son apparition avait été soudaine et il avait peut-être perturbé l'orientation de l'inconnue.

Cela ne lui ressemblait pas du tout, mais l'adolescente s'approcha de la silhouette.

Si tu cherches la sortie je peux te guider.

Selvi put enfin voir l'inconnue. C'était une fille svelte, une lycéenne sûrement. À travers la brume, l'adolescente ne parvenait pas très bien à cerner les détails de son anatomie, mais l'inconnue paraissait musclée.

Il y eut un silence, sans doute dû au fait que la jeune fille n'avait pas répondu à la question de cette Lyn, puisque c'était son nom. Il n'était pas inhabituel pour Selvi d'ignorer une question ou une remarque, mais parfois l'interlocuteur ne le prenait pas très bien.

L'indifférence est à double tranchants. Il faut savoir la manier avec habileté, or l'adolescente n'était pas encore passé maître dans cet art.

Je crus d’abords que la silhouette, que je ne pouvais qu’entrevoir, allait s’enfuir en courant. Moi, j’aurais pris mes jambes à mon cou et serais partie le plus loin possible de cet endroit. Je réalisais à présent que ma question, et surtout la manière dont je l’avais posée, aurait pu être offensante. Mais c’était involontaire. Ma voix avait prit un ton fort peu chaleureux voir même agressif. C’était sûrement dut à ma courte et terrible nuit de la veille. La pire nuit de ma vie, des souvenirs douloureux, que j’avais oubliés ou que je refusais de me rappeler. Des souvenirs qui vous donnent mal à la tête et qui vous collent des sueurs froides. Des souvenirs qui s’accrochent à vous et plus vous essayez de les enlever, plus ils s’accrochent. Des souvenirs horribles qui vous poursuivent toute votre vie. Mais, tandis que je partais dans mes réflexions, une voix vînt perturber mes sombres pensées.

-Si tu cherche la sortie, je peux te guider.

Je fus d’abord surprise, car je m’attendais à entendre un garçon (je vous rappelle que ma vision était très limitée). La brume continuait de disparaître. Je voyais presque distinctement mon interlocutrice. Ce devait être une collégienne à en juger par sa taille. Puis, je me penchais sur ce qu’elle venait de dire. « La sortie » la sortie d’où, de quoi? Pour sortir, il aurait fallut que je sache où j’étais. Néanmoins, cela me réconforta qu’elle m’offre son aide. Mais autre chose me chatouillais, pourquoi avait-elle ignoré ma question? Pourquoi ne voulait-elle pas que je sache quel était son nom? Qui était-elle? Sans réfléchir, je fis quelques pas en direction de l’inconnue, puis m’arrêtais. Soudain, je réalisais qu’il fallait que je lui réponde.

-Je ne cherche nul sortie puisque je ne sais même pas où je suis, dis-je d’une voix que je voulais amicale.

Je regardais autours de moi et me mis à avancer tout en demandant:

-C’est toi le brouillard? Enfin, je veux dire, c’est toi qui es responsable de tout cela?

J’avançais toujours, allait-elle fuir ou me répondre?

HRP: Désolée pour le temps de réponse.

Lyn mit un temps à répondre à Selvi. Elle fit un pas en avant et daigna enfin lui répondre.

-Je ne cherche nul sortie puisque je ne sais même pas où je suis, dis-je d’une voix que je voulais amicale.

Selvi afficha un air surpris. Comment pouvait-elle ne pas savoir où elle était?

-C’est toi le brouillard? Enfin, je veux dire, c’est toi qui es responsable de tout cela?

Cette fois, l'adolescente se crispa. Sur la défensive, elle fit un pas en arrière, lorsque l'autre en avança d'un. Que voulait dire cette question? Et cette étrange réponse? L'avait-elle vu avant que le brouillard n'apparaisse?

Selvi fronça les sourcils pendant une fraction de seconde. Cela donna un léger air inquiet à son visage. La jeune fille fit un quart de tour sur elle-même, montrant ainsi son profil à Lyn.

Tu te trouves dans le jardin. Et si tu veux retourner dans le bâtiment sans perdre de temps, va dans cette direction.

Elle avait levé le bras et indiquait un chemin droit devant elle. Puis, pour montrer qu'elle ne comptait pas répondre à l'autre question de l'étudiante, Selvi lui tourna le dos et partit.

Encore une fois, elle venait de détourner ma question. Mais voila, j'étais trop curieuse, je voulais savoir qui était ma mystérieuse interlocutrice. Je voulais savoir si c'était elle la cause de ce brouillard inhabituel qui était apparut devant mes yeux aussi soudainement. Je voulais connaitre son nom, son don. Je ne sais pas pourquoi, mais je voulais la connaître. Après tout, j'étais patiente, et je savais ce que je voulais. Donc, forcément, j'y parviendrais. Elle me montrai l'école d'un geste de la main, puis m'indiqua que nous nous trouvions dans les jardin de l'école.

Je m'attendais à ce qu'elle ajoute un mot où quelque chose dans le genre. Mais au leu de cela, elle tourna les talons et partit, sans dire un mot. Je réagis tard, mais mieux vaut tard que jamais... Je m'élançais donc à sa poursuite, et criais:

-Attends!!!

Elle s'arrêta, mais ne se retourna pas.

-Dis moi au moins qui tu es, je ne connait même pas ton nom.

À ce moment la, je ne sais pas pourquoi, je pensais à ma sœur, Needy Lesnicki. Ce temps d'attente me fis penser à une joyeuse journée d'automne. J'avais 8 ans. Needy voulait m'offrir quelque chose. Je ne savais pas ce que c'était, et j'avais hâte de le découvrir. Finalement, elle m'avait fais patienter plus de huit heures tout en me disant: "J'ai un cadeau pour toi, et tu ne sauras pas ce que c'est...". Mais cela en avait valu la peine. Elle m'avait offert le premier tome d'une série de livre que j'adore:"Les désasteuses aventures des orphelins Beaudelaire".

Bref, j'attendais avec une certaine impatience, la réponse de mon interlocutrice.

Selvi avait pu faire quelques pas. Elle avait cru que Lyn l'avait écoutée et qu'elle était partie, mais soudain, elle entendit un cri.

-Attends!!!

Selvi se mordit les lèvres et s'arrêta. Elle ne pourrait pas fuir sans attirer l'attention, il fallait qu'elle coopère. Ne pas dire toute la vérité, ce n'était pas mentir, elle ne risquait donc pas grand-chose. Il faudrait à nouveau qu'elle élude la question. Pourquoi cette fille la suivait-elle? Selvi commençait à ressentir une certaine appréhension.

-Dis moi au moins qui tu es, je ne connais même pas ton nom.

L'adolescente se retourna et fit face à Lyn. Elle se sentit soulagée. Ce n'était qu'une formalité, Lyn avait abandonné sa première interrogation.

Je m'appelle Selvi Okada.

Elle marqua une courte pause, réfléchissant. Devait-elle continuer à parler ou la jeune fille se contenterait d'une réponse si courte? Elle opta pour la première solution, espérant qu'après ça, elle aurait la paix.

Je suis en classe D.

Une nouvelle pause, une nouvelle réflexion et le silence s'installa. Devait-elle tourner les talons ou est-ce que l'autre lui courrait à nouveau après? Elle préféra attendre, prenant le risque d'être confrontée à une question à laquelle elle ne voudrait pas répondre.

[dis, il va falloir qu'on se trouve qqch à faire, parce que sinon ça va stagner xD]